SPORT HANDICAP – TIR : Frédéric Tondellier a changé son fusil d’épaule

Non voyant suite à un accident, Frédéric Tondellier a pris son destin en main en se lançant dans le tir, à l’arc puis à la carabine. L’Amiénois s’est forgé un joli palmarès handisport mais a surtout trouvé comment exploiter ses qualités de « battant ».

Archer pendant une trentaine d’années, Frédéric Tondellier a été à plusieurs reprises champion de France et champion d’Europe par équipes de tir à l’arc handisport. Mais il y a quelques années, il a troqué son arc contre une carabine, en rejoignant Amiens Tir, un club qui accueille depuis 2006, sur son stand rue Sagebien, les personnes en situation de handicap. Et qui va prochainement organiser des journées découverte du Handi Tir.

Pour commencer, comment avez-vous débuté le tir à l’arc ?
Je l’ai découvert quelque temps après l’accident que j’ai eu à 17 ans, à vélomoteur, percuté et projeté violemment par une voiture, chaussée Jules-Ferry à Amiens. À 20 ans, j’ai fait un essai avec Jean-Pierre Goujon, professeur reconnu de tir à l’arc, alors que j’étais au CAT Georges-Couthon (NDLR : aujourd’hui ESAT). Il m’a dit : “c’est concluant !” Au début, je tirais en position debout, sans potence. Puis j’ai été plusieurs fois champion de France, une fois champion d’Europe par équipes. La compétition avait lieu en Angleterre. Mais ça va plus vite pour perdre un titre que pour le gagner ! Une flèche qui part mal, une mauvaise position, le vent quand on tire en extérieur, etc. Pour les voyants, c’est plus simple…

Et ensuite, comment vous êtes-vous mis au tir à la carabine ?
En 2018, en découvrant le club Amiens Tir et la convivialité qui y règne. Le système de visée sonore me permet de savoir où tirer. Le stand permet le tir à 10 mètres, en intérieur.

Comment faites-vous pour viser et tirer sans voir ?
J’ai un casque sur les oreilles, avec un son grave. Puis arrive un moment avec un petit son aigu et quand il y a un décrochement grave, c’est là que je dois appuyer sur la détente. Mais quand j’ai commencé, il n’y avait pas encore de cible électronique, elles étaient en carton. Puis Bernard Bossut, le président, a investi dans des cibles électroniques. On en a d’abord eu cinq. Et depuis un mois nous en avons trente ! (1)

Faire du sport m’a permis de me sentir comme tout le monde

Frédéric Tondellier

Que vous ont apporté la pratique sportive et la compétition dans votre quotidien ?
Cela m’a déjà permis de faire découvrir le handicap aux valides. Et aussi de ne pas rester chez moi, de me sentir comme tout le monde. J’ai toujours eu un caractère de battant et envie de me fixer des objectifs pour avancer.

Vos meilleurs souvenirs depuis que vous pratiquez le Handi Tir à la carabine ?
Les championnats de France, à Lorient, il y a trois ans. J’avais terminé 8e. Et pourtant on avait eu des frayeurs car on avait découvert à la dernière minute qu’on avait nos soixante tirs à effectuer en 50 min et plus en 1h30… Le règlement venait de changer.

Des regrets, des déceptions ?
J’ai du mal à être régulier. Un jour, je fais un bon score et pas le lendemain… On se dit : mais qu’est-ce qu’il se passe ? À un moment, mes tirs, c’était pas ça à l’entraînement. Je commençais un peu à me décourager… Mais les copains m’ont soutenu et j’ai retrouvé une meilleure forme. D’ailleurs, la convivialité ici au club est vraiment un des éléments qui fait que je ne regrette pas d’avoir arrêté le tir à l’arc.

Vous avez 67 ans. Y-a-t’il un âge limite pour pratiquer ?
Non. Surtout pour le tir la carabine qui est moins physique que le pistolet que l’on tient à bout de bras, où il faut donc plus de force dans le bras et dans l’épaule.

Vos objectifs pour cette année ?
Me stabiliser dans mes tirs en compétition, c’est-à-dire rester à un bon niveau de points. La semaine dernière à l’entraînement, j’ai réussi 541 points (NDLR : soit une très bonne moyenne supérieure à 9 points par tir). Trouver la bonne position aussi, parce que j’ai tendance à bouger et du coup à perdre en précision. Mais tout seul, je ne peux pas me corriger, du fait de mon handicap (2). Alors que le tireur valide voit tout de suite son impact, il est capable de se dire : un peu trop à droite, un peu plus à gauche. Mais il y aura toujours des jours avec et des jours où on est moins bien, moins concentré.
Là, je me prépare déjà pour les championnats de France de l’année prochaine, parce que pour cette année, c’est trop juste… Ils vont avoir lieu en février, à Besançon. Mais avec les mesures de restriction à cause de la pandémie, je n’ai pas pu m’entraîner suffisamment pour m’inscrire aux championnats départementaux et régionaux.

(1) Amiens Métropole a subventionné l’achat de vingt-cinq cibles électroniques supplémentaires. Leur inauguration officielle aura lieu samedi 5 février à l’occasion de l’Assemblée générale d’Amiens Tir. Le club sait qu’il est bien loti, à la différence de nombreux autres clubs de tir sportif. Frédéric Tondellier l’a remarqué, lui qui, pour accéder au pas de tir, a besoin d’un parcours balisé au sol. Un marquage a été aménagé, financé là aussi par la Métropole.
(2) Si, en compétition Handi Tir, les tireurs doivent être autonomes, Frédéric Tondellier recherche pour l’assister lors de ses entraînements une personne valide, par exemple un étudiant en STAPS qui interviendrait comme stagiaire dans le cadre de son cursus. Contacter f.tondellier80@gmail.com ou amiens.tir@laposte.net 

Vincent Delorme

Crédit photos Gazettesports.fr Vincent Delorme

Amiens Tir stand Michel-Stanczak 87 bis rue Sagebien, entre le gymnase Stéphane-Fournier et le collège Sagebien.