ARBITRAGE – Rugby : Arbitres et clubs, cohabitation parfaite ?

Gazette Sports le Mag fait le point sur les liens entre les clubs et les arbitres.

L’arbitre est un élément indispensable du sport. Garant du respect des règles, encore plus lorsque deux équipes s’affrontent. On exige qu’il soit impartial. Et pourtant l’arbitre est licencié dans un club, dans de nombreuses disciplines. Gazette Sports le Mag à l’aide de l’intervention de membres du RCA Rugby, sur les liens entre les arbitres et les clubs.

Pourquoi les arbitres sont licenciés dans un club ? Tout d’abord par obligation nous explique Martin Saleille, manager général et coach du RCA rugby : « Tous les clubs sont censés avoir des arbitres. On doit un quota à notre Ligue, c’est inscrit dans les règlements généraux de la Fédération. Chaque club a ses arbitres qui doivent un certain nombre de matchs à la Fédération et aux clubs. » Une obligation pour les clubs mais également pour les arbitres qui doivent être affiliés à un club. Les quotas dépendent du niveau auquel évolue le club. Et les clubs doivent les respecter sous peine de sanction. « On peut perdre jusqu’à trois points pour l’équipe première, c’est quasiment une victoire, donc c’est énorme » explique Martin Saleille.

Chaque club a ses arbitres qui doivent un certain nombre de matchs à la Fédération et aux clubs

Martin Saleille

Et malgré cette obligation, trouver des arbitres reste compliqué. Une difficulté qu’évoque pour nous Corentin Pinteaux, arbitre joueur du RCA : « Aujourd’hui, être arbitre c’est beaucoup de temps. Ce n’est pas seulement mettre ses crampons et prendre un sifflet le week-end. Derrière il y a un investissement, de l’analyse vidéo, de la préparation, on travaille sur la règle, on échange entre arbitres sur des vidéos, sur des actions etc. » Autre problème : la formation des jeunes arbitres. Bien qu’il y ait des choses de faites pour encourager les jeunes à suivre la voie de l’arbitrage , cela reste compliqué de les convaincre d’arbitrer :  « Il est difficile d’avoir des jeunes arbitres, même s’il y a parfois des vocations. A mon sens, ça ne vient pas à cet âge. C’est compliqué, quand on a 14 ans, d’arbitrer des jeunes du même âge. On n’a pas forcément l’autorité ou le recul pour arbitrer. On ne reçoit pas de la même façon ce qu’on peut entendre sur le terrain à cet âge-là »

Plus qu’un « contrat » entre le club et son arbitre, c’est un lien de groupe qui peut être mis en place entre les deux parties, selon Corentin Pinteaux : « il y a une notion de groupe, vous participez aux entraînements, vous accompagnez le club, vous pouvez avoir des axes de réflexion ensemble. L’arbitrage, c’est une façon différente de représenter son club, ce n’est pas pareil qu’en mettant le maillot de l’équipe le week-end. C’est quelque chose qui peut être difficile à faire entendre parfois » explique cet arbitre joueur. Une notion d’appartenance à un groupe que Martin Saleille met lui aussi en avant : « ça leur permet de participer à une vie de club. Nos arbitres se chargent d’arbitrer nos seniors à l’entraînement par exemple. Un arbitre fait partie intégrante de la vie du club. Il peut aider à l’école de rugby. L’arbitre fait partie de la vie des rugbymen, le rugby ce n’est pas juste le terrain, c’est tout ce qu’il y a autour aussi. Ça lui permet de faire partie d’un collectif, d’une certaine manière.  » Mais cette participation à la vie du club n’est pas quelque chose de systématique, souligne Corentin Pinteaux : « L’arbitre, quand il ne fait qu’arbitrer, est relativement autonome. Il y a un suivi qui peut s’opérer avec les coachs sur le plan physique mais il n’est pas obligé de s’impliquer dans la vie du club. C’est son choix. »

L’arbitrage, c’est une façon différente de représenter son club

Corentin Pinteaux

Corentin Pinteaux souligne la difficulté de combiner les deux rôles : « j’ai la casquette de joueur en plus et ça complique un peu les choses. Ça se complexifie quand vous avez à la fois la casquette de joueurs et d’arbitre, le lien est plus important. Il faut pouvoir garder la casquette de joueur quand vous êtes aux entraînements, parfois on nous demande d’arbitrer à l’entraînement et il faut aussi pouvoir différencier les deux rôles. Quand vous vous entraînez en tant que joueur, il faut rester joueur. Il faut aussi que l’équipe comprenne que certains week-ends on ne peut pas jouer parce qu’on arbitre.” L’arbitre joueur du RCA se dit malgré tout satisfait d’être dans « un club compréhensif. »

Ce lien entre les arbitres et les clubs pourrait créer des conflits d’intérêts. Avec un arbitre investi dans un club, la question de la neutralité pourrait se poser. Même s’il ne peut évidemment pas arbitrer une équipe de son club, en rugby l’arbitre peut exercer dans la poule ou la division. Une situation qui ne pose pas vraiment de problème nous explique Corentin Pinteaux : « On pourrait dire qu’il y a conflit d’intérêts sur le papier mais en vérité non. Ça m’est déjà arrivé d’arbitrer des équipes de la poule du RCA mais aujourd’hui, et je pense que je ne suis pas un cas isolé, on se préoccupe peu des résultats des équipes. Quand vous êtes dans le feu de l’action, dans le match vous ne vous dites pas : si cette équipe marque, si cette équipe gagne avec tant de points d’écart, etc. Vous ne pouvez pas arranger la rencontre pour privilégier votre club. Quand vous êtes arbitre, vous représentez votre club, mais également le comité auquel vous êtes rattaché. Vous représentez aussi la fonction d’arbitre donc vous représentez les valeurs de l’arbitrage, celles du rugby. »

Formateur pour les jeunes, encadrant à l’entraînement, membre actif de la vie du club, représentant de l’équipe : autant de rôles qu’un arbitre peut remplir au sein d’un club. Au-delà de l’obligation pour les arbitres et les clubs d’être liés par un quota de matchs, c’est souvent et surtout une vraie relation qui se crée.

Deparis Maxime
Crédit photo : Coralie Sombret – Léandre Leber Gazettesports.fr

Corentin Pinteaux