MIXITÉ – TENNIS : En couple dans la vie et sur le court
C’est une discipline qui permet aux hommes et aux femmes de pratiquer à la fois ensemble et les uns contre les autres : le double mixte, au tennis.
À tout seigneur, tout honneur… Au sommet du double mixte actuellement, on trouve Kristina Mladenovic, titrée il y a deux semaines à l’Open d’Australie, associée à un spécialiste du double… messieurs, le Croate Ivan Dodig. La Nordiste n’en était d’ailleurs pas à son coup d’essai – ni à son premier partenaire – puisqu’elle avait déjà gagné à Melbourne, ainsi qu’à Wimbledon. C’était au début de sa carrière, en compagnie du Canadien Daniel Nestor.
Eux, si leur modeste carrière se cantonne aux Hauts-de-France, elle continue juste pour le plaisir de jouer. Et de jouer ensemble, assez souvent : Francine Lemaire et Hervé Hodicq. « Nous ne cessons pas de jouer parce que nous vieillissons; nous vieillissons parce que nous cessons de jouer. » Ce constat du Nobel de littérature George Bernard Shaw (1856-1950) s’applique à merveille à ce couple comme aux dizaines de têtes blanches ou déplumées qui essaiment tous les jours les courts de l’AAC, en pratiquant le tennis loisir. Ce couple à la ville fait partie des plus jeunes retraités de la bande et pas des plus tristes ! Partenaires, Francine et Hervé le sont donc aussi régulièrement sur le terrain, associés en double mixte.
Leurs débuts, ils les ont effectués chacun de leur côté. Au milieu des années 1960 pour Hervé, adolescent à Montreuil-sur-Mer. Et avec une raquette pour deux ! « Avec mon voisin, on s’était cotisé pour acheter une raquette et quatre balles. Un lançait la balle à la main à celui qui avait la raquette ». Un système D que Francine a connu aussi, mais différemment. « J’ai commencé le tennis petite à Amiens, avec mon frère, qui savait jouer. On allait sur les terrains de l’étang St Pierre, avec des raquettes en bois, qui appartenaient à mon oncle et à mon père. Puis j’ai joué au hockey sur gazon, comme mes parents. Mais l’été, comme les courts en terre battue de Rivery étaient à côté, on allait jouer au tennis. »
« Bon nulle part, moyen partout »
Ses premières balles à l’AAC, Francine va les taper avec sa soeur qui était déjà licenciée au club : « mais c’était à l’époque où je travaillais, j’avais moins le temps que maintenant. J’ai joué ensuite le samedi avec une amie. » Hervé, lui, a davantage été touche-à-tout, s’essayant à plusieurs sports – « mais j’étais bon nulle part, moyen partout » dit-il en souriant – avant de se fixer sur le tennis quand il prend sa retraite, en 2010. « Une fois qu’on a un premier partenaire, on sait avec qui jouer, déjà. Et ensuite, en discutant à gauche à droite, on rentre dans le circuit, on en trouve d’autres » détaille Francine.
Elle va jouer ensuite des tournois, essentiellement ceux organisés par son club, jusqu’à monter 3e série, classée 15/5. Quand Hervé, aujourd’hui 30/4 après avoir été classé 30/2, a profité, dans sa jeunesse, des tournois « pour sortir ». Et bingo ! Après une vie chacun de son côté, ils se rencontrent grâce au tennis. Francine raconte : « après avoir joué avec une amie, j’entends quelqu’un dire : il y a un nouveau, il faut qu’on le garde celui-là, il joue bien ! » Le nouveau, c’était Hervé, tout jeune retraité. Et plus si affinités… Entre eux, cela va donc matcher ! Au point de jouer ensemble, en simple, donc opposés. Ou bien en double, associés côte-à-côte.
C’est ainsi qu’ils participent cet hiver à l’animation de double mixte mise en place par le Comité Somme Tennis. Réservée aux joueuses et joueurs n’ayant pas été mieux classés que 15/3, ce qui est déjà un très bon niveau, elle se joue par catégories d’âges, de +35 à +65. Eux sont en +65. Après une défaite « qu’on aurait dû éviter », ils ont aisément remporté leur deuxième match, pour lequel ils étaient favoris.
« On connaît des couples qui s’entendent très bien sauf sur un terrain de tennis. Ils ont joué ensemble mais ont arrêté. Aujourd’hui, ils préfèrent jouer chacun de leur côté, avec d’autres partenaires » indique Francine Lemaire alors que pour elle, jouer avec son compagnon est presque une évidence : « de temps en temps, après un point perdu, c’est vrai qu’on peut se faire une réflexion… T’y vois pas clair ? Mais on oublie aussitôt. Quand c’est fini, c’est fini. » Hervé ne dit pas le contraire : « on n’est plus des gamins de 18 ans. On a passé l’âge de se prendre la tête, on joue pour le plaisir… même si on aime bien gagner. »
« Quand on part en vacances, on ne joue pas, raconte Francine. Une fois, on avait pris nos affaires, on ne les a pas sorties. » Ce qui motive notre couple de double mixte, c’est de voir autour d’eux des joueuses et joueurs qui approchent ou qui dépassent les 80 printemps et qui s’amusent toujours sur le court. Hervé Hodicq ne cache pas son « espoir de jouer le plus longtemps possible avec nos moyens qui seront ce qu’ils seront. » Francine conclut, à la volée : « le tout, c’est de ne pas être cassé, de ne pas avoir de problème. La seule chose qui pourrait nous arrêter, c’est un gros pépin de santé… »
Mais à ce sujet, l’exemple que cite Françoise, victime du jour de Francine et Hervé, associée à son mari Jacky, est porteur d’espoir : « Jacky joue avec deux prothèses de genoux ! C’est rassurant de se dire qu’on peut avoir une activité comme le tennis après ce genre d’intervention. » Une volonté de fer ainsi qu’un partenaire qui a les yeux de Chimène seraient donc les meilleurs moyens de faire durer le plaisir en double mixte !
VIncent Delorme
Crédit photos : Vincent Delorme GazetteSports.fr