ÉDITO : Ashleigh partie
Ashleigh Barty, l’Australienne, N°1 mondiale du tennis, qui arrête sa carrière à 25 ans… Sa décision surprend tout autant qu’elle peut se comprendre, de la part d’une championne atypique.
À huit jours près, c’était le 1er avril et on aurait eu du mal à avaler le poisson. Mais nous étions le 23 mars… La décision d’Ashleigh Barty n’est pas un canular ! La patronne du tennis féminin a décidé de mettre un terme à sa carrière, un mois avant de fêter son 26e anniversaire.
Évidemment, la première réaction a été la surprise. Au moment où deux des plus grands champions de l’histoire de ce sport, Roger Federer et Serena Williams, tentent, à 40 ans bien sonnés, de repousser les limites pour reprendre la compétition, la N°1 de la WTA, elle, prend tout le monde à contre-pied.
« Je n’ai plus ça en moi. Je suis tellement heureuse, tellement prête. Je sais, dans mon cœur, que c’est la bonne décision » a expliqué Ashleigh Barty. Tout est dit. À quoi bon continuer quand on ressent que c’est le moment de s’arrêter ? Et de passer à autre chose.
D’où la deuxième réaction à son annonce : le fait de la comprendre. Quand on regarde le parcours de l’Australienne, on se rend vite compte que, contrairement à Rafael Nadal avec Roland-Garros, par exemple, elle n’était pas programmée pour devenir une « accumulatrice ». Préférant picorer trois tournois du Grand Chelem : Roland-Garros 2019, Wimbledon 2021 « [mon] seul vrai rêve dans le tennis » et l’Open d’Australie, chez elle en janvier dernier.
Un break à 18 ans
À la clé, Ashleigh Barty aura passé deux ans et demi sur le toit du tennis, certes tronqués par l’arrêt dû à la pandémie. Au passage, elle a remporté quinze tournois en simple, douze en double. Et il y a l’essentiel : le jeu, où sa finesse, avec son slice de revers « federerien », la variété de ses coups et sa science tactique changeaient des stéréotypes à la mode depuis deux bonnes décennies.
Quand on remonte le fil de la vie d’Ashleigh Barty, il y a enfin cet indice donné dès 2014 : à 18 ans, elle s’était retirée du circuit, deux ans après ses débuts professionnels. Pas sûre d’être faite pour cette vie de « nomade », elle était devenue joueuse de cricket, chez elle, à Brisbane. Avant de reprendre sa raquette à 20 ans, histoire d’aller quand même au bout de l’aventure dans le tennis.
Avec cette retraite soudaine, « Ash » Barty remet également à la une l’éternel débat sur la façon de s’arrêter et de quitter la lumière. Et il concerne autant les champion.ne.s d’exception que tout un chacun. Car on a toujours le choix de dire stop, de décider, en fait, de changer de vie. Plutôt que de prendre le risque de subir – et donc de rater – sa sortie.
Vincent Delorme
Crédit photos : DR
L'annonce de la retraite tennistique d'Ashleigh Barty présente des différences et quelques similitudes avec celle d'une autre grande championne de ce sport, Marion Bartoli. En 2013, un mois après avoir gagné LE tournoi qui, elle aussi, la faisait le plus rêver, Wimbledon, la Française annonçait qu'elle arrêtait sa carrière, à 28 ans. Si elle a tenté par la suite un improbable retour, Marion Bartoli a résumé parfaitement, noir sur blanc, ce qu'elle avait ressenti en réalisant son rêve le 6 juillet 2013 dans le "Temple du tennis". Extrait de Renaître, la biographie de Marion Bartoli, co-écrite avec Géraldine Maillet et publiée en 2019 (Flammarion) : "15h32. Je tombe à genoux. Je monte dans la tribune et je tombe dans les bras de mon père. "Papa, je l'ai fait, p....., je l'ai fait... - C'est bien ma puce, c'est bien." La même phrase que pour mon premier tournoi à six ans. Puis je repars sur ma chaise. Je pense à maman, restée à la maison et qui n'a pas regardé à cause du stress insoutenable. Toute mon adolescence privée de toi, ces sacrifices, vos sacrifices... (...) Je suis calme. Je suis épuisée. Vidée. (...) Ce n'est pas possible mais j'ai gagné. Je cherche du réel." V.D.