ÉDITO : Personne ne m’a jamais dit “T’as de belles fesses !”
Un édito écrit au son de Camille Lellouche chantant « N’insiste pas”.
Dans cette semaine dédiée au sport féminin, après plus de 20 ans sur les terrains de la métropole comme photographe ou rédacteur et 8 ans après avoir co-fondé Gazette Sports, j’ai questionné mes collaborateurs sur leur place de journaliste dans le sport. Au sein de cette équipe, il y a des jeunes journalistes, hommes, femmes. Et finalement, la différence de traitement est là…
Gazette Sports couvre le sport féminin chaque semaine avec un ratio d’un peu moins de 30% comparé au sport masculin. Cela s’explique aussi du fait du nombre de licenciés où le ratio est équivalent. La gent masculine représente 70% des licenciés. Vis-à-vis des médias nationaux, suite à l’audit du Ministère de la Culture à notre sujet pour un appel à projet, il avait été écrit que notre couverture médiatique féminine était pertinente. Globalement, nos confrères couvrent avec un ratio inférieur à 20%, soit 10 points de moins que nous.
Revenons à notre équipe de cette année, où nous avons 4 femmes : 3 rédactrices et une photographe. Sur ces 4 jeunes femmes, 2 ont été importunées, souvent par messages privés sur divers réseaux sociaux ou de vive voix.
Je me suis aussi posé la question, suite à des interviews, sur des faits de harcèlement qui m’ont été racontés mais que les victimes ne souhaitaient pas voir médiatisés… Est-ce à moi de dénoncer un club sur son comportement ? De respecter le choix de la personne harcelée ? D’être l’oreille à l’écoute, attentive… À ce jour, j’ai écouté…
Ça commence souvent par de la “drague”. Pourquoi pas ! Draguer fait partie des jeux de séduction et de nos vies. Mais quand la réponse est non, que l’insistance se fait sur plusieurs semaines ou que des questions deviennent intrusives, alors STOP ! Cela vire au harcèlement.
“T’as de belles fesses” a été l’une des phrases d’un jeune dirigeant envers l’une de mes collègues. Elle a géré seule cette personne et finalement nous parlons moins de cette structure. Je l’ai appris seulement ces jours-ci, lors de discussions autour de cette Semaine du sport féminin. Merci Cathy Dehez pour cette initiative soutenue par Amiens Métropole. Cela m’a permis d’entendre et de mieux comprendre ce que peut être le lot de certaines de mes journalistes. Il est regrettable qu’autour de ce thème, la mobilisation ne se soit pas plus forte : plusieurs manifestations ont été annulées. Et que les clubs locaux n’aient pas répondu suffisamment présent et tenu leurs engagements. Mais ont-ils conscience du travail à mener, pour écouter, rassurer et surtout agir ?
Dois-je regretter de ne jamais avoir eu cette remarque ? Sur le coup oui, mon égo en prenait un coup mais à bien y réfléchir… Soit les femmes se mettent au niveau des hommes et peuvent faire ces remarques, soit les hommes changent leur comportement. Il faut que nous apprenions à entendre un NON, un STOP. Il faut nous remettre en question sur nos attitudes de mâle et les maux que cela peut générer. Pas à pas, cette éducation doit se faire. Je n’ai, sans doute, pas toujours mesuré la portée de mes “blagues” mais j’apprends, j’écoute et comprends. Nous devons évoluer avec notre époque et le respect de l’autre est essentiel.
Quand j’ai connaissance de ce type de comportement, je vais m’expliquer avec la personne intéressée ou la structure sportive pour alerter sur le comportement d’un de ses licenciés ou dirigeants. Cette année, j’ai eu 3 cas portés à ma connaissance. Certains clubs entendent et d’autres minimisent. Pas à pas, marche après marche, nous devons prendre conscience de nos mots, mais surtout entendre un NON.
Merci Cathy, Dorine, Julie, Charlotte, Océane, Coralie, Emma mais aussi Valentine et Mathilde pour nos échanges qui construiront, à notre échelle, demain. Entendons, acceptons.
Léandre Leber