SPORT SANTÉ : Marcher contre Parkinson
À Amiens, ils sont plusieurs dizaines à pratiquer la marche nordique, avec l’association France Parkinson. Conscients que faire du sport permet de retarder les symptômes de cette maladie neurodégénérative.
Le top départ de l’échauffement, sur la piste du stade Urbain-Wallet, est donné par Christophe Dacquet, coach athlé santé à l’AUC. En arrivant ce lundi, les participants s’attendaient à se retrouver à l’intérieur, au stadium Marie-Collonvillé. Mais, bonne nouvelle, la pluie a cessé : “Espacez-vous, gardez vos distances ! Mais vous pouvez enlever vos masques, on est en plein air… » Et en plein vent aussi ce matin-là de février : la tempête Franklin s’atténue à peine, ce qui explique sûrement le nombre réduit de marcheurs. Ils sont treize au lieu d’une vingtaine d’habitude. « Allez, on va décoller les pointes de pieds, les deux… (sourires) Et on utilise les bâtons pour s’équilibrer, se redresser et se grandir. »
Pascale et Pierre apprécient que l’échauffement ne soit pas identique à chaque séance. Et “aujourd’hui, c’est facile” sourit Pierre. “La jambe droite loin derrière, on va prendre appui sur le bâton. Poussez sur le pied, remontez ! Même chose de l’autre côté, on descend, la jambe d’appui fléchie. » Et après un bon quart d’heure passé à s’échauffer, Christophe s’exclame : “En piste !” Les tours de stade peuvent débuter.
La séance est adaptée au public. “La personne atteinte de la maladie de Parkinson a souvent un gros problème d’équilibre, au niveau de la posture aussi, assez voûtée. Utiliser les bâtons permet de se redresser, avec des appuis supplémentaires. Chacun fait ce qu’il peut en fonction de ses capacités, mais l’échauffement permet de mettre en route la machine, au niveau musculaire, articulaire et respiratoire, pour une activité tout en douceur. On y va progressivement.”
L’activité physique représente 60% du traitement
Catherine Ducrocq, présidente du comité Somme de l’association France Parkinson
“C’est l’insuffisance de dopamine qui crée des difficultés pour harmoniser les mouvements” analyse Pierre, 75 ans. Donc on essaye de se tenir droit le plus possible. Et en groupe, on y pense davantage que quand on est seul. Ce n’est pas toujours facile de venir car je suis parfois très fatigué le matin. Mais je me force car c’est important de bouger, de marcher avec les amis. C’est un moment de convivialité et de sociabilité.”
Pour Catherine Ducrocq, la présidente du comité Somme de l’association France Parkinson, l’activité physique représente “60% du traitement. Ou au moins la moitié en tous cas. La différence est incroyable si on compare avec quelqu’un qui n’en aurait aucune… Je me suis mise par raison à la gym et à la marche nordique. Je suis malade depuis onze ans. Et depuis, tous les matins, je fais des étirements. Du coup, je perds un peu moins en souplesse. »
Pierre acquiesce, avec un sens soigné de la formule : “l’activité physique, c’est un traitement non médicamenteux essentiel, qui permet aussi d’être mieux dans sa tête, donc plus disponible pour ses proches, les aidants, les amis. Sans faire de compétition, j’essaye de repousser mes limites. Et le sport, c’est encore mieux que l’activité physique ! L’aspect jeu, je ne peux pas m’en passer” explique cet adepte du tennis. Catherine Ducrocq insiste sur le fait que « chacun a ses symptômes, des traitements qui varient. Ma neurologue me dit qu’elle ne se rendrait pas compte que j’étais malade si je n’étais pas venue la voir. »
Fort de ses 120 adhérents, dont le tiers sur Amiens, le comité Somme de France Parkinson est présidé depuis bientôt sept ans par Catherine Ducrocq : « je vois les gens qui arrivent la première fois à l’association le moral dans les chaussettes. En général, ils ne reviennent pas tout de suite mais seulement quelques mois après. Et là, ils sont plus en forme, ils se font des amis. Et la plus belle satisfaction, c’est de les voir retrouver le sourire ! »
Parce qu’il conjugue marche, précision et concentration, le golf est une discipline que plusieurs membres aimeraient rajouter à leur programme contre Parkinson. Mais ce n’est pas simple selon Catherine Ducrocq qui « essaye de trouver des aides, auprès de la Conférence des financeurs », gérée par le Conseil Départemental, qui associe notamment la CPAM et l’Agence Régionale de Santé. « On a des subventions pour la gym par exemple. Il faudrait maintenant un groupe d’une dizaine de personnes pour qu’une initiation au golf soit rentable. »
Pascale, 64 ans, est l’une des plus jeunes du groupe. Mais vu son emploi du temps, pas sûr que cette sportive très affûtée trouve de la place pour le golf car elle joue aussi au tennis, fait de l’aquagym, de la gym adaptée, du stretching, du Pilates, de la danse latine et afro-colombienne… Ouf ! ”Il faut absolument que je bouge pour ralentir l’évolution de la maladie.” En 2017, elle était infirmière quand elle a été diagnostiquée Parkinson. Elle a dû arrêter de travailler et a alors intensifié sa pratique sportive. Si Pascale “apprécie que chacun puisse marcher à son rythme”, le sien en l’occurrence est carrément rapide, avec trois tours de piste et sept à l’intérieur en une petite demi-heure. ”Le cardio monte un peu, mais ça fait du bien, j’essaye de pousser un peu. »
Mais comme le dit Stéphane, “il n’y a ni gagnants, ni perdants.” Ou plutôt uniquement des gagnants puisque l’activité physique stimule le cerveau et pallie les difficultés motrices. Lui est atteint de sclérose en plaques : “la marche nordique m’apporte beaucoup de bien-être et de détente, de la coordination aussi, les bâtons m’aident pour l’équilibre et ça fait également travailler la tête.”
Je suis heureuse, ça me rend euphorique !
Françoise, 82 ans
Parmi les autres marcheurs, Françoise, 82 ans. Elle souffre « de dyskinésie (NDLR : mouvements involontaires anormaux), c’est moins grave que Parkinson et je suis aussi un petit peu cyclothymique. Avant, je faisais beaucoup de gymnastique mais mon amie Raymonde me parlait depuis longtemps de la marche nordique, alors je suis venue et je suis ravie ! La marche nordique ne peut nous faire que du bien. Il faut bien appuyer sur les bâtons, ça permet de mieux respirer. Le coach nous le répète : de l’amplitude, de l’amplitude ! On est content de se retrouver le lundi matin, alors je m’applique, et je vais vous dire : ça me rend euphorique ! Je suis heureuse, ça dure plusieurs heures, je me sens bien.”
Une fois passé le coup de massue du diagnostic, il existe une multitude de moyens de reprendre le dessus et de freiner l’évolution des symptômes. L’activité physique en est donc un excellent. D’autres personnes atteintes – ou les mêmes parfois – trouvent aussi dans la méditation « un bon moyen d’évacuer le stress, mes angoisses » confie Pierre, qui a découvert récemment les bienfaits de la méditation de pleine conscience. « Je laisse les idées noires venir mais aussi partir. Je ne les arrête pas, je ne bloque pas mon esprit. La séance consiste à relaxer son corps pour ensuite pouvoir se relaxer l’esprit. Et là je deviens plus fort pour résister au stress. » Jean-Marie avait lui « tendance à [se] replier sur [lui-]même. Mais en groupe, comme ici à la marche nordique, on retrouve des gens qui ont les mêmes problèmes » car il s’ouvre aux autres. Ainsi « on oublie son cas personnel » souligne Pierre. « Et l’ambiance n’est pas triste » assure Pascale, pour qui l’écriture est également un bon moyen d’exorciser ses angoisses. Qui plus est quand, comme tout un chacun, elle s’est retrouvée confinée à cause de la pandémie. Elle a eu envie de partager le poème ci-dessous, qui traduit également son besoin viscéral d’activité physique.
En manque Liberté tant aimée Ma vie s'est arrêtée La pandémie s'est invitée Confinée, je suis restée Privée de mes amis Je vis au ralenti Résignée, je me suis soumise Aux ordres requis Motivée, j'ai pratiqué Grâce à la volonté De mes coachs préférés Mes amis m'ont aidée Une valeur inestimée Je regarde au loin L'avenir incertain Mais je garde l'espoir La sortie de ce trou noir Car un jour viendra Où la vie reprendra Et je recevrai en plein cœur Le plus grand des bonheurs. Pascale - Mai 2020
Vincent Delorme
Crédit photos : Kevin Devigne Gazettesports.fr