PORTRAIT : Joseph Mbongo tire sa révérence

Après 12 années de présidence à l’Handisport Amiens Métropole, l’homme de 56 ans a décidé de quitter ses fonctions. Portrait d’un dirigeant passionné de sport, au parcours de vie atypique.

« J’ai la présidence du comité départemental depuis 2020, et la vice-présidence du comité régional, cela fait beaucoup pour une seule personne« . Troisième d’une fratrie de neuf, Joseph Mbongo vit une enfance paisible et heureuse, dans sa ville de naissance, Yabassi, au Cameroun. Issu d’une famille acharnée de travail, le jeune Joseph est passionné par les sciences et la philosophie. « Papa, à 5h il travaillait, il avait ses chantiers avant d’aller à sa tâche administrative (agent de l’état dans la fonction publique, ndlr). J’ai grandi dans cette culture là, il nous disait à chaque fois dès que le réveil sonnait : « Levez vous, la capitale est déjà debout, qui êtes vous pour rester couchés, alors qu’à la radio les gens parlent déjà ». Maman était mère au foyer avec des travaux, ici on appellerait cela une cultivatrice. On était quasiment en auto-suffisance alimentaire« , explique le cinquantenaire.

Dès l’âge de six ans, le natif de Yabassi parlait déjà trois à quatre langues. « Les parents qui nous gardaient parlaient dans leur langue, il fallait s’adapter« , raconte-t-il. Pour le travail, ou la préparation des examens, Joseph Mbongo a toujours travaillé en communauté. En parallèle, le jeune homme se construit un amour pour le sport. Du karaté au basket, en passant par le football, le Camerounais est un véritable boulimique de sport. Jusqu’à ses 19 ans, où un accident change sa vie. « C’est survenu au dernier match de foot que j’ai livré. Avril 1986, un interclasse, demie finale, j’ai fait une reprise en espèce de ciseau, et je suis retombé sur le bassin« . L’adolescent perd l’usage de ses pieds. 18 ans plus tard, le diagnostic révèle qu’un infarctus de la moelle épinière est à l’origine de son handicap.

Joseph Mbongo est également entraineur de l’équipe amiénoise de handibasket, sport qu’il a exercé durant des années.

Entre la vie et la mort

Les trois premières années après l’incident sont compliquées, pour l’homme pour qui « la vie s’arrête« . L’étudiant ne peut pas passer le concours d’entrée au Centre Universitaire des Sciences de la Santé au Cameroun, car il a « perdu ses pieds. Il aura fallu 3 ans pour me dire que le fait est là et qu’il faut que j’avance« . Place à la rééducation, où le jeune homme vit un calvaire. « J’ai dû me confectionner des socquettes, que j’ai moi-même tricotées, que je mettais comme chaussures, parce que les chaussures ne passaient pas. Il a fallu rééduquer la cheville, rattraper la mobilité du genou pour que j’arrive à me chausser« , ajoute-t-il. Durant dix longs mois, Joseph Mbongo est emprisonné dans son corps. « Je végétais. J’ai quand même eu des escarres, avec un pronostic vital engagé parce que j’avais des trous partout. Finalement tout était concentré autour de cette guérison, ou bien la cicatrisation de ces brûlures« .

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« Le sport m’a fait prendre conscience que je restais vivant »

Joseph Mbongo

A la suite d’une erreur médicale, le Camerounais est alité, obligé de rester à plat ventre jour et nuit, les pieds isolés dans une moustiquaire. « Quand on mettait des pansements, ça s’écorchait, je saignais tous les jours. Il y a eu des perfusions sanguines, je ne sais pas combien de poches j’ai dû prendre parce que je me vidais de mon sang quasiment tout le temps« . Joseph Mbongo s’accroche. Sur son lit d’hôpital, il encadre des lycéens, notamment sur les mathématiques. Autre motif d’espoir, la religion : « Celui qui veille sur moi était plus fort« . Au bout de cinq années difficiles, le cinquantenaire goûte à nouveau à l’effort sportif, sur un tricycle. Une libération. Des dizaines de kilomètres sont avalés. « C’était un nouveau départ. Je dis toujours qu’il y a la nature des choses, mais qu’il y a aussi le sport qui m’a maintenu. Le sport m’a fait prendre conscience que je restais vivant, parce que la dépense physique, je n’imaginais pas à quel point ça pouvait être facteur de vie ou de survie« , assure-t-il.

D’une ère monastique…

Dans sa nouvelle vie, le Camerounais se forme pour devenir prêtre, et obtient simultanément un BAC D, avec mention assez bien. Sous les conseils d’un évêque, le jeune homme fraîchement diplômé poursuit ses études en faculté de sciences économiques, par défaut, et en profite pour s’investir au contact des Jésuites, en étant coordinateur de l’aumônée catholique de son université. En 1996, il effectue ses premiers pas dans un monastère dans son pays natal. Cinq ans plus tard, Joseph Mbongo pose ses valises en France, dans l’Oise, au sein d’une nouvelle communauté. Avant d’être affecté à Evian en 2003, pour quelques mois seulement. Son parcours monastique s’arrête en janvier l’année suivante.

Joseph Mbongo devient président de l’Handisport Amiens Métropole en 2010.

… à un retour dans le monde du sport

Son parcours sportif se relance dans le club de basket fauteuil à Creil. Puis à Amiens en 2006, sous forme de prêt. Intéressé par la vie associative, Joseph Mbongo devient vice-président de l’Handisport Amiens Métropole. « Dans la foulée, mon prédécesseur décide de ne pas se représenter. Je lui ai dit que je pensais que je pouvais postuler, et donc je suis élu quasi à l’unanimité en octobre 2010« , indique-t-il. L’aventure amiénoise débute. En même temps, le néo président siège au comité directeur du comité départemental, auquel il prend le poste de président en 2020. Le Camerounais avoue avoir amené le « côté convivial« , compétence primordiale, au sein du club. Le fait d’avoir accueilli de nombreux jeunes est également une de ses plus grandes fiertés.

Le 8 mars dernier, lors de l’Assemblée générale du club, Joseph Mbongo décide de céder sa place, au profit de son épouse Laurence. Tout en restant coach de l’équipe de handibasket jusqu’à la fin de la saison. « L’idéal aurait été que ce soit quelqu’un d’autre, mais comme on n’a pas eu d’autres candidats, j’ai persuadé un peu mon épouse, sans l’obliger« , termine-t-il. Ses futurs projets seront destinés à l’accueil en terres amiénoises des délégations lors des Jeux Paralympiques de Paris 2024.

Romain Ales
Crédit photo : Kevin Devigne, Louis Auvin – Gazette Sports

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