PORTRAIT – Pierre Trochet, co-fondateur de Gazette Sports et Président de la Fédération Internationale de Foot US
Parti de joueur de football américain, passé par l’équipe des Spartiates d’Amiens et désormais Président de l’International Federation of American Football (IFAF). Pierre Trochet a accepté de revenir sur son parcours atypique qui l’a mené à la tête de l’IFAF mais aussi à la création de Gazettesports.fr.
Né à Châteauroux, ville où il a découvert le football américain avec les Orcs de Châteauroux, il est également passé par les Spartiates d’Amiens de 2011 à 2013. Rien ne le prédestinait à devenir président de l’IFAF. Cependant, déjà à cette époque, on pouvait retrouver des qualités de leadership ainsi qu’une envie de développer ce sport qu’il aime tant. Quand la ligue des Hauts-de-France n’existait pas, et que c’était encore celle de Picardie, il a travaillé avec Yvon Leroy, le président de cette ligue, pour monter un championnat régional. Enormément d’initiatives commençaient à émerger et un besoin de structurer se faisait ressentir : « On a formé des éducateurs, on a essayé de transmettre cette passion du Foot US à des enfants dans les écoles et, en parallèle, en 2012, on a gagné le championnat de D1 avec les Spartiates. C’était une super aventure. » Après ses travaux en France, P.Trochet est parti à l’étranger. Il a rejoint les Danube Dragons, en Autriche, tout en maintenant son implication au sein de la Fédération Française de Football Américain (FFFA). Dans la continuité du développement entamé avec Yvon Leroy, il s’impliquait dans le domaine de l’éducation et de la formation des coachs. Hélas, la FFFA est entrée dans une zone de turbulence et commençait à trembler à partir de 2017/2018 : « Il a fallu remonter les manches et remettre un peu de charbon dans la machine » nous confie P.Trochet.
De la FFFA au leadership mondial
Avec la nouvelle présidente Brigitte Schleifer, il rejoint la FFFA en tant que Head of Education & International Relationship en 2015 puis devient Directeur du développement en juin 2018. A la surprise de tous, l’équipe de France s’en ira remporter un championnat d’Europe face à l’Autriche sur le score de 28 à 14. Une victoire qui va aider la FFFA : « La victoire, pas franchement prévue, nous aide bien ! Combinée avec la diffusion du championnat de France en programme web et en programme TV ainsi que le manque de satisfaction de plusieurs de mes contacts européens vis-à-vis du leadership mondial, on m’a proposé de porter une candidature pour l’IFAF. » Celui qui ne refuse jamais un challenge, fonce sur cette opportunité. « Deux mois avant l’élection, je me retrouve déjà élu, puisque le président sortant décide de ne pas se présenter », voilà le co-fondateur de Gazette Sports à la tête de l’IFAF, une fédération en difficulté financière. « Il faut vite trouver quelque chose sur quoi se concentrer. On sait que le mouvement olympique est un objectif et on pense que le flag football a définitivement sa place dans le programme sur le long terme. » La venue des JO à Paris, ville où se situe le siège de l’IFAF, avec à sa tête un président français, donnent une bonne main à Pierre Trochet, maintenant, il faut bien jouer.
Un premier mandat réussi
« J’avais plusieurs objectifs pour ce premier mandat. Le plus important était surtout la réalisation de la reconnaissance permanente de notre fédération internationale auprès du CIO, ainsi que l’intégration du flag football aux Jeux olympiques de Los Angeles en 2028. » Un objectif atteint pour le Français qui a assisté à la cérémonie d’ouverture des Jeux de Paris avant de potentiellement en vivre une nouvelle au sein de la Cité des Anges, outre atlantique. « On a fait des choses fantastiques. Ce sont des moments très forts. L’opportunité de participer à une campagne olympique et de marquer l’histoire de son sport de façon indélébile, c’est assez délirant. »
Le flag football, nouvelle discipline olympique avec le soutien de la NFL
« On a su convaincre la NFL de nous suivre et de nous faire confiance dans cette aventure. On met autour de la table deux supersized organisations entre la NFL et le CIO. » En effet, la NFL a donné son accord pour que ses superstars participent à cette compétition. La transition entre le Foot Us et le flag est faisable. Mais attention, car c’est un sport très compétitif et le fait d’avoir de l’expérience en NFL garantit pas une place au sein d’une sélection. C’est une mutation semblable à celle du rugby à 15 au rugby à 7 ou encore du basket 5×5 au 3×3. « Le terrain est plus petit avec un jeu plus agile et moins de personnes sur le terrain. C’est du cinq contre cinq, en deux fois 20 minutes, mais l’important n’est pas là. L’important, c’est que l’on partage une culture commune. Touchdown, first down, one hand catch, spin move. C’est le même environnement, c’est le même fun, avec un jeu plus agile contrairement au Foot US où l’on peut considérer que c’est un jeu de force et de vitesse. Donc la transition va être tout à fait smooth (douce) entre les deux sports. Il n’y a absolument aucune barrière en tout cas à ça. »
Cela ne concerne pas que les USA, car plus de 200 joueurs possèdent un passeport étranger au sein de la NFL. Pour exemple, le cas d’Amon-Ra St. Brown, le receveur star des Lions de Detroit, qui possède la nationalité allemande, pourra être sélectionné par l’Allemagne. On a donc la possibilité d’observer une Dream Team, comme aux JO de Barcelone, en 1992 avec le basket.
Ce sport intéresse et possède un vivier de joueurs impressionnant : « Ce qu’on a comme data, c’est qu’aujourd’hui, le flag football, ce sont 20 millions de joueurs dans une centaine de pays sur cinq continents ! » Les pays qui démarrent leurs activités ne font quasiment que du flag, comme au Nigeria, où on compte à peu près 15 000 pratiquants, en Australie avec 60 000 sportifs et en Grande-Bretagne où on en dénombre 100 à 120 000. Ce sport a très peu de barrières à l’entrée, notamment grâce au fait qu’il soit facile de mettre en place une pratique co-ed : « c’est un sport qu’on peut considérer comme mixte où les femmes et les hommes peuvent jouer ensemble » ajoute P.Trochet.
Objectif Brisbane 2032
« On n’est pas là pour un one and done » raconte P.Trochet. Il partage avec la NFL une ambition olympique sur le long terme. Quand viendra le moment des discussions, on peut être sûr que le Français défendra envers et contre tout le flag pour une présence aux Jeux olympiques de Brisbane, en 2032. Un de ses objectifs, pour son second mandat sera de continuer à faire grandir le cycle des compétitions, avec notamment, le retour d’une compétition mondiale de foot US. Dès l’année prochaine, un nouveau cycle continental de Foot US se met en place avec l’Europe, l’Asie et l’Océanie. Il ajoute : « Un des objectifs très forts, c’est aussi de pouvoir enfin avoir une compétition en Afrique, qui est un peu le dernier continent dans lequel on a énormément de participation, mais où on n’a pas encore réussi à structurer de compétitions. » La dernière chose à travailler restera l’organisation d’un tournoi de qualification olympique, qui devrait voir le jour durant le premier trimestre de 2025.
Une casquette supplémentaire : co-fondateur de Gazette Sports
Le Castelroussin est certes très impliqué à l’échelle internationale, de par son poste de président, mais avant cela, il l’était aussi à une bien plus petite échelle : celle locale. En effet, avant de se retrouver sur le toit du Monde, il fondait en compagnie de Léandre Leber, en 2014, un petit média 100% amiénois. La légende raconte que Gazette Sports a vu le jour sur la route du rhum, plus précisément au niveau du Cap Diplomatico par un équipage composé de Léandre Leber et Pierre Trochet. Ce que confirme Léandre « Un soir de rhum, mais un seul, car après je dors ». Depuis, le navire a bien vogué. En 10 ans, ce média est passé de 1000 vues mensuelles à plus de 80000, tout commençant dans un bureau de moins de 10m². Un laboratoire d’expériences fondé par un photographe, qui savait écrire, et un entrepreneur « qui savait faire trois clics pour créer un site internet » complète Pierre Trochet. Aidé par l’expérimenté Yvon Leroy et avec comme objectif de faire briller « le vrai tissu du sport : les associations ». Transmettre le bénévolat, les valeurs du sport et l’envie de dépasser pour la victoire voilà une des lignes directrices derrière Gazette Sports. « Comme nous disait Yvon Leroy, tout le monde ne peut pas être champion du monde, mais on peut être celui de son district, de son quartier. T’es champion, peu importe que ce soit de ta rue ou du monde. Ce sont des aventures qui ne demandaient qu’à être raconté ! Il fallait bien quelqu’un pour conter toutes ces histoires, afin de permettre à des jeunes de s’identifier à des personnalités proches comme par exemple un joueur de hockey des Gothiques, un coureur amiénois,… » termine Pierre Trochet. Une histoire que vous pourrez retrouver dans un livre célébrant les dix années d’existence de l’association et du média.
Une histoire de famille
Pierre Trochet n’imaginait pas vivre un tel parcours et pour lui « ce n’est pas une finalité en soi, il va encore se passer plein de choses dans les 20 ans qu’il me reste à travailler (rires) ! » Il a su saisir les opportunités qui se présentaient à lui, comme il le dit si bien : « J’ai été entrepreneur, avant, je me suis planté, cela m’a permis de te rencontrer (ndlr : Léandre Leber) et de me ramener dans le foot, alors que j’avais complètement arrêté. J’ai retrouvé l’opportunité de pouvoir voyager, on a fait des choses fantastiques : la coupe de France, la coupe d’Europe et la coupe du monde. Ce sont des moments très forts. »
Ces différentes expériences l’ont amené sur le toit du football américain international et il pourra donc terminer la boucle débutée en 1992. Cette année-là, son père, impressionné devant la Dream Team de Barcelone, souhaite que son fils devienne athlète olympique. Finalement, son fils deviendra un président olympique : « Je n’aurai pas été un athlète olympique et je pense en être très très loin, mais j’aurai participé à intégrer ce sport que j’aime tant au sein de cette compétition. » Une intégration qui lui permet de vivre ce rêve à travers les yeux des futurs olympiens : « Le job de président, ce n’est pas ça qui compte, ce qui compte, ce sont les athlètes et les joueurs. C’est ce qu’ils vont vivre. C’est cette expérience que l’on vit de façon interposée, un peu comme un père qui est fier de ses enfants. C’est pour les athlètes que l’on fait ça. » Ce parcours, un peu rocambolesque, va continuer pour Pierre Trochet qui aura « la chance et l’honneur d’être présent lorsque notre sport, le football américain, va finalement rentrer aux JO. »
Depuis, Léandre Leber est devenu rédacteur en chef et on peut le retrouver arpentant la métropole amiénoise, équipé de son vélo et avec son précieux appareil photo, il est toujours prêt à immortaliser un parcours ou une histoire. Pierre Trochet, de son côté, œuvre pour faire prospérer un sport de plus en plus populaire en France et milite pour que le flag perdure lors des Jeux olympiques. Chacun œuvre de son côté pour imaginer demain. Dix ans d’amitié et au vu de leur complicité, il y a encore des projets qui, avec ou sans rhum, verront le jour !
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Interview : Léandre Leber et Cyprien Baude
Rédaction : Cyprien Baude
Crédit photo : Théo Bégler – Gazettesports.fr