ARBITRAGE : Juge-arbitre et parties de tennis
Sans juge-arbitre, impossible d’organiser un tournoi pour un club de tennis. Mais la fonction est une denrée rare. Alors les clubs recherchent les bonnes volontés. Comme le RCA Tennis à Amiens, qui en a trouvé en interne.
« Pour préparer notre tournoi Open cette année, on s’était retrouvés un peu le bec dans l’eau » se souvient Stéphane Guillerault, président du RCA Tennis. Et pour cause le club ne disposait pas de JAT2, juge-arbitre de tournois de niveau 2, nécessaire pour organiser une épreuve ouverte aux joueuses et joueurs extérieurs au club. Ou plutôt il n’en disposait plus, car les deux anciens avaient quitté le RCA ou même Amiens durant la pandémie.
On a eu un super formateur, j’ai kiffé !
Michaël, JAT 1 au RCA Tennis
« On avait alors sollicité Simon Van Overbeke, JAT2 à l’Amiens AC, ce qui représentait un coût pour nous, logique vu son investissement nécessaire. Mais cela nous avait permis, d’une de relancer notre Open, la vitrine du club, qui n’avait plus eu lieu depuis 2019. Et de deux, de lancer un appel aux bénévoles, sachant que c’est une fonction qui prend beaucoup de temps, pour préparer la relève. Et deux joueurs du club, « Mika » et Paul, se sont proposés. Ils ont assisté Simon, tout en réussissant brillamment ensuite la formation de JAT1 » se félicite le président.
« Sur l’Open, Simon m’a super bien drivé. Après, la formation prend un temps énorme. J’y ai consacré une quinzaine d’heures par semaine pendant près de quatre mois » précise Michaël, l’un des deux adhérents du RCA Tennis devenus juges-arbitres, pas trop fan d’une formation où « tout est en ligne, avec en plus quatre ou cinq présentiels. Le plus souvent, tu es face à toi-même, avec des heures et des heures de vidéos, à retravailler plusieurs fois. Il faut valider tous les modules pour pouvoir passer l’examen à la fin. Heureusement, avec Paul, on a eu un super formateur, très disponible. J’ai kiffé ! » s’enthousiasme finalement « Mika », qui, du haut de ses 45 ans, a hâte de devenir JAT2, « toujours avec Paul. On bosse à deux, on est complémentaires. »
« Apprendre à faire les tableaux d’un tournoi est la base. Respecter les règlements. Il y a plein de points que je ne connaissais pas alors que je suis pourtant joueur depuis très longtemps. Il faut beaucoup de rigueur. Organiser un tournoi interne, c’est déjà compliqué. Tu essayes, par exemple dans un tableau féminin, avec des très jeunes qui ont des classements plus hauts que des adultes, de faire un tableau équilibré. J’avais d’ailleurs contacté Antoine (Bardoux, prof de tennis et joueur n°1 du club, ndlr) pour lui demander son avis » explique-t-il.
Le casse-tête des convocations
Le bon point, c’est que vu l’intensité des exercices lors de la formation, le passage de la théorie à la pratique n’est « pas si compliqué. On fait tellement de tableaux, ça va vite, en fait, estime Michaël. Sachant qu’on a maintenant MOJA, l’application de la Fédération réservée aux juges-arbitres, un super outil, on est bien aidés. Même si ça prend beaucoup de temps, j’ai pris énormément de plaisir. »
Un plaisir forcément partagé par Stéphane Guillerault, heureux de voir son club rebondir après la pandémie, même s’il ne peut accueillir toutes les demandes (lire l’encadré ci-dessous) et qui insiste sur l’ampleur de la tâche du juge-arbitre, lors d’un tournoi : « il y a toute la partie gestion des joueurs, les convocations. Il ne faut pas oublier qu’on est dans un monde amateur, avec ceux qui ne sont pas disponibles tel jour etc. » Et là, « Mika » intervient pour préciser que lors du tirage du tableau d’un tournoi, « il y a une part d’affect, avec les joueurs du club, que l’on connaît par rapport à ceux de l’extérieur, notamment pour les convocations. Un joueur qui indique qu’il ne peut jouer que tel jour à telle heure, s’il passe deux tours, trois tours, on ne pourra plus trop s’arranger. Mais le but est d’éviter les w.o. (de l’anglais walk over, ndlr), le joueur ou la joueuse qui déclare forfait parce qu’il ne peut honorer sa convocation. On en a eu seulement deux, de mémoire, lors de notre dernier Open. »
"Quatre courts pour 240 adhérents, c'est peu" souligne Stéphane Guillerault. Le président du RCA Tennis fier de la hausse des effectifs mais qui doit refuser des inscriptions à son école de tennis. "80 demandes impossibles à accepter cette année ! Nos Quick extérieurs datent des années 1980. On les entretient bien, en arrachant les mauvaises herbes mais ils vieillissent. Et les deux courts couverts sont pris d'assaut dès qu'on ne peut plus jouer dehors. Le développement du club passe par des courts supplémentaires. On a la place nécessaire. Il manque juste les moyens". L'appel est lancé.
Le président monte par ailleurs au filet sur deux points. Déjà au sujet de l’organisation du tennis en général, à cause de la distinction qui existe entre les formations de juge-arbitre et d’arbitre.
Et après la relance de l’Open au printemps dernier, il a un regret concernant le tableau féminin : « On a eu 130 engagés chez les messieurs, elles n’étaient que 37 femmes. On nous a dit que c’était déjà bien, mais pour moi, ce n’est pas satisfaisant. Aussi parce que ça nuit à la progressivité du tournoi : tu peux décevoir voire dégoûter des joueuses qui vont tomber dès les premiers tours sur des adversaires qui sont 4 classements au dessus… C’est marrant ni pour les unes ni pour les autres, d’ailleurs » constate Stéphane Guillerault.
Le président souhaite continuer à étoffer l’effectif des juges-arbitres. Et le club lance aussi des formations pour les diplômes d’enseignants, deux jeunes qui ont envie de s’investir sur le terrain suivent le parcours de formation CQP-AMT. Pendant ce temps, l’un des deux juges-arbitres du RCA Tennis se tourne vers son avenir à court terme : « On m’a certifié que la formation JAT2 se passera en présentiel. Et ça m’arrange ! » sourit « Mika » sous sa casquette.
Vincent Delorme
Crédit photo : Louis Auvin – Gazette Sports