SPORT SANTE : Ramadan et performance, inconciliable ?

Le jeûne du ramadan a débuté le 23 mars et se poursuit pendant un mois pour les musulmans pratiquants. Comment concilier cette pratique avec le sport de haut niveau ? C’est la question que nous avons posée à une poignée de sportifs amiénois concernés.

La question est épineuse. Du moins pour certains. La Fédération française de football a par exemple trouvé judicieux de prendre position en adressant un mail aux officiels pour leur rappeler l’interdiction d’interrompre les rencontres pour rompre le jeûne du ramadan. Comme si le bon sens des acteurs sur le terrain ne suffisait pas. En Angleterre, c’est le choix inverse qui a été préconisé afin que les footballeurs de confession musulmane puissent rompre le jeûne quand ils le pouvaient.

Dans certains clubs, des règles strictes ont été imposées. C’est le cas au FC Nantes, où l’entraîneur Antoine Kombouaré préfère se passer des services de son latéral gauche Jaouen Hadjam parce que celui-ci ne souhaite pas manger avec le groupe les jours de match pendant cette période. En fin de compte, toutes ces décisions questionnent l’équité sportive et pour les entraîneurs la capacité de leurs athlètes pratiquants à rester performant.

Une interrogation à laquelle le désormais ex-entraîneur de l’Amiens SC, Philippe Hinschberger répondait simplement que “c’est aux joueurs de se mettre dans les meilleures dispositions pour être en forme, même si ça reste quelque chose qui n’est pas évident”. Un discours que tient également l’entraîneur adjoint de l’AC Amiens, Yohane Moreira. “Si on donne la confiance à quelqu’un sur le terrain, il doit le rendre, ramadan ou pas ramadan.” Le technicien de la formation de N3 sait de quoi il parle puisque la majorité de ses joueurs sont de confession musulmane. Malgré ça, le club des quartiers nord programme toujours ses entraînements en milieu de journée pour satisfaire aux contraintes professionnelles des uns et des autres. “Ça a un impact athlétique, après libre à chacun de le faire les jours de matchs, poursuit Yohane Moreira. C’est par conviction donc c’est propre à chacun et on se doit de le respecter. On est à l’écoute, on a des joueurs sur le banc capables de pallier cette absence athlétique si besoin.”

Cette période particulière ne pose pas de problème au milieu de terrain de l’ACA, Chouaïb Sagouti. “J’ai une certaine habitude. C’est spirituel, psychologique, quand on est préparé, on aborde les choses sereinement. Au contraire, le joueur qui a fêté ses 37 ans le 9 avril considère même que c’est un atout. “Nous, les musulmans ça nous fait du bien, ça nous purifie le corps. Je prépare toujours mes matchs de la même façon, que ce soit au niveau du sommeil et de l’alimentation, ce n’est pas quelque chose qui nous dessert sur le terrain, au contraire il faut aller puiser une certaine force.”

Du côté de l’Amiens Métropole Volley Ball, le coach Ali Nouaour, lui-même pratiquant, se montre plus mesuré. “On n’est pas sur le même pied d’égalité quand on fait le ramadan. J’espère que ça ne se ressentira pas dans nos résultats” confie-t-il alors que le calendrier est particulièrement chargé pour Amiens pendant les play-offs et que cinq joueurs sont concernés, dont le capitaine Mehdi Hachemi. 

Lequel, du haut de ses 40 ans, distille quelques conseils pour appréhender cette période : “Il faut faire attention et se gérer. On apprend à le faire avec l’expérience. Il faut au moins s’entraîner correctement et être apte pour le jour J.” Selon le finaliste de la Ligue des Champions 2007 avec le Tours Volley-Ball, ce sont les jours de match où il faut être le plus vigilant. “1h30 de match avec de l’intensité en fin de soirée, c’est difficile, plus on avance, plus on dépense de l’énergie.” L’international algérien aux 63 sélections considère que : “c’est difficile d’être à 100% pendant cette période, mais si on arrive à être à 80 % c’est déjà bien, on est opérationnel pour jouer.” En fin de compte, Mehdi Hachemi note surtout que pour les musulmans, c’est une période de joie où “les gens se rassemblent, pour la rupture de jeûne on mange ensemble, c’est cool”.

Julien Benesteau
Crédit photo : Kevin Devigne – Gazette Sports