PORTRAIT : Frédéric Domon, un homme dur au cœur tendre
Au terme d’une saison plus que compliquée, le désormais ex-entraineur de l’ASCBB se retire du banc de l’équipe séniors, et va se consacrer aux plus jeunes. Portrait d’un basketteur passionné, et d’un père comblé.
Rigueur, travail. Ces deux mots résument la philosophie du joueur qu’était Frédéric Domon. Pourtant, le natif de Versailles n’est pas destiné à pratiquer le basket. D’abord dans le football, où il « ne touchait pas un caramel », c’est en rejoignant ses amis que l’adolescent foule pour la première fois les parquets de l’US Boves. En parallèle, le jeune homme est assez turbulent à l’école. « L’école dans le temps, c’était psychorigide. Donc moi, j’étais plutôt un turbulent. Il fallait que je bouge. Avant, tu ne pouvais pas te lever de ta chaise. Il fallait lever le doigt. Moi, ça me faisait chier, tout ça », raconte-t-il avec son franc parler.
Du fait de sa grande taille, le Versaillais est moqué sans arrêt. « J’étais très timide. J’ai très mal vécu ma taille. Il y a 40 ans de ça, faire deux mètres, ce n’était vraiment pas évident. J’étais bien dans mon village parce que tout le monde me connaissait. Donc, je n’avais aucun problème. Mais quand j’arrivais à l’école à Amiens, je ne prenais pas le bus. Ou dès que je pouvais, je m’asseyais ». Frédéric Domon se forge une carapace, et « mord avant qu’on le morde ». Puis, le jeune lycéen se prend au jeu et se découvre un « personnage » : « J’aimais bien être différent. Tout le monde mettait ses sweats à l’endroit. Moi, je les mettais à l’envers. En France, il faut être lisse. Il ne faut pas avoir un gros caractère. Moi, j’ai un gros caractère. C’est aussi ce qui m’a permis d’être à ce niveau-là. À ce niveau-là, il n’y a pas de place pour l’effet. À la base, je ne pensais pas provoquer. C’est surtout quand j’ai arrêté ma carrière, que j’ai pris conscience de plein de choses ».
Mais derrière cette façade d’homme dur, se cache une profonde sensibilité. « Mon père conduisait un camion et ma mère était employée de banque. Mon père a été très carré. Super mec, mais très carré. Il ne montrait pas beaucoup ses sentiments. Ma mère, elle, ne savait pas quoi faire pour nous faire plaisir. Elle aurait mangé un pois chiche pour que nous, on ait tout. Je n’ai jamais été malheureux. J’ai eu une enfance de rêve avec mes parents », explique-t-il, les bras croisés.
Nancy, le déclic
A 18 ans, Frédéric Domon rejoint la Lorraine pour arborer le maillot du SLUC Nancy, présidé par Jean-Jacques Eisenbach. Mais ses premiers mois sont difficiles : « De base, je ne voulais pas y aller. J’y suis allé pour faire plaisir à mes parents. Moi, je m’en foutais. Dans ma tête, à Noël, j’étais revenu. Je suis parti pour faire plaisir, surtout à mon père. Parce qu’à l’époque, je ne glandais pas grand-chose à l’école, il faut dire les choses. Et là, il m’avait mis l’ultimatum. Donc j’ai dit, bon, allez, je vais y aller. Ça va le calmer un petit peu. Et puis voilà ». Jusqu’à la période de Noël, où après un retour de 15 jours dans son cocon familial, le jeune homme de 18 ans prend conscience « qu’à un moment donné, il faut arrêter les conneries, Puis là, je me suis mis pour la première fois à taffer. Mais du jour où j’ai compris ce que voulait dire le mot travail, là, j’ai été un gros travailleur ».
Sous l’aile de Frédéric Sarre, et de Bertrand Kériquel – alors CTR – qu’il considère comme un deuxième père, le Nancéen s’affirme au sein de l’équipe première. Jusqu’en 1991, où le pivot rejoint Pau-Orthez, grosse écurie du championnat de France. « A partir du moment où je me suis pris au jeu, je regardais jouer Orthez à l’époque. Tu te dis, merde c’est quelque chose. Puis un jour, c’est toi qui portes ce maillot là. A Pau, tu arrives dans une salle qui était encore l’une des plus belles de France. Déjà, tu rentres sur la pointe des pieds parce que tu as beaucoup de joueurs confirmés. Ils ont déjà été, eux, champions. Ils sont tous internationaux. Tu ne fais pas le fanfaron ».
Dès sa première saison dans sa nouvelle formation, Frédéric Domon devient pour la première fois champion de France, et peine à réaliser : « Il y a de ça 12 ans, je jouais à Boves. Et là, t’as un trophée qui pèse 32 kilos dans tes bras. T’as ça dans tes bras, tu te pinces ». L’homme de 30 ans passe de l’ombre à la lumière. C’est le début d’une épopée formidable. Exit Orthez en 1993, direction Antibes, sous les ordres de Jacques Monclar.
1995, l’année du graal
Pour la seconde fois, le trentenaire obtient un titre de champion, cette fois avec Antibes. Frédéric Domon pense avoir atteint ses objectifs. Avant une annonce particulière. « Ça fait trois jours qu’on fait la fête à droite, à gauche. On rentre sur Antibes. On présente le trophée aux spectateurs comme ça se fait partout. Et puis, Michel Gomez (alors sélectionneur de l’équipe de France, ndlr), avait appelé Stéphane Ostrowski (capitaine antibois, ndlr). En même temps qu’on présente les joueurs avec le trophée, Steph prend le micro, et dit : « Fred t’es champion, et puis tu vas jouer en équipe de France ». C’était magique, je pleurais », retrace-t-il, les yeux embués.
Désormais, le néo international fait partie du club France. 16 sélections avec le maillot bleu, et une 8ème place aux championnats d’Europe 1995, s’ajoutent à son palmarès déjà bien fourni. Frédéric Domon a le sentiment du devoir accompli, et décide de terminer sa carrière du côté de Tourcoing, pour deux saisons. Une carrière de 17 années, à « faire le sale boulot », qui aura été une réussite.
S’en suivent plusieurs années hors du basket. Avant de rejoindre l’ASCBB en 2005 en tant que coach, poste qui ne lui était prédestiné, une nouvelle fois. Cette saison aura été un calvaire pour l’équipe amiénoise. Hécatombe au niveau des blessures, joueurs sur le départ, l’Amiens SC est contraint de jouer le bas de tableau, avant finalement d’être condamné à la relégation. Le technicien de 60 ans a pensé à stopper l’aventure : « En 40 ans, je n’ai jamais vu ça. Et encore, à deux matches de la fin on était encore dans les clous. Il a été temps que ça se termine. Ce n’est pas un échec, c’est une déception. Heureusement qu’en U20, on a fini premiers de notre championnat, et qu’on a gagné la Coupe de la Somme en U15. Parce que sans ça, je ne pouvais pas ».
L’Amiénois se découvre au fil du temps un amour pour entraîner les jeunes. « Ils te le rendent au centuple. Il n’y a pas d’égo », assure-t-il. Une de ses plus grande fierté reste le label 3 étoiles de club formateur, plus haute distinction pour la formation de basketteurs.
Son fils, sa bataille
Roman Domon, 17 ans, qui a signé pro à Gravelines, est lui aussi destiné à une grande carrière. Son père, rempli d’émotion et de fierté, lui souhaite une meilleure. « Mon fils est mieux que moi, il a le talent. Moi, je n’avais pas le talent. Depuis tout petit il est formaté à ça. C’est un vrai compétiteur, c’est un psychopathe du tir. Des mecs comme ça, ça ne court pas les rues. Et ce n’est pas parce que c’est le mien ». Les prochaines années s’annoncent rayonnantes pour Frédéric Domon, qui restera un des personnages emblématiques du basketball amiénois, de par son entièreté et sa rigueur.
Romain Ales
Crédit photo : Kevin Devigne – Gazette Sports
PORTRAIT : Roman Domon, plus vite, plus haut, plus fort - GAZETTE SPORTS LE MAG
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