HANDIBASKET – Yoan Leclercq : « Si on a envie de faire un sport, on ne doit pas se mettre de barrières »
Yoann Leclercq, téléconseiller et joueur de handibasket de 27 ans au Handisport Amiens Métropole, nous a accordé un entretien.
Depuis combien de temps pratiquez-vous le handibasket ?
Je fais du basket depuis plus de 10 ans, j’ai commencé en 2010. Je suis resté 2 saisons à Amiens ensuite je suis parti pour Bordeaux en pôle espoirs pendant 4 ans. De là j’ai fait une saison à Bordeaux en 1ere division, une saison à Lille dans la division la plus haute et ça fait maintenant 3 ans que je suis revenu sur Amiens.
Pourquoi être revenu sur Amiens ?
Je suis revenu pour être plus proches de ma famille, j’étais loin donc j’ai voulu revenir sur Amiens. Ici j’ai la famille et les amis.
Pourquoi le handibasket en particulier et pourquoi pas un autre sport ?
J’étais valide au début, et je suis devenue paraplégique à la suite d’une tumeur sur la moelle épinière à l’âge de 15 ans. Avant, je faisais du football, et quand j’ai voulu reprendre du sport en handi il n’y avait que le basket en sport collectif qui se faisait sur Amiens. Je me suis mis au handibasket et j’ai bien aimé donc j’ai continué.
Et vous suivez d’autres sports ?
Oui, j’aime bien tous les sports collectifs en général, le rugby, le hand, le foot. Je suis capable d’aller voir un match ou même de regarder à la télé quand un match est diffusé.
Un sport pas si différent du basket valide
Quand je vous ai vu jouer en match, j’ai été surpris par les chocs entre les fauteuils : quand on commence à pratiquer, il y a de l’appréhension par rapport à ces chocs entre les fauteuils ?
Ça parait impressionnant quand on regarde, parce que ça fait du bruit, mais quand on est dans le fauteuil il n’y a que le fauteuil qui prend, nous on ne ressent presque rien. C’est de l’alu, de la ferraille et du coup ça fait beaucoup de bruit, mais nous on n’a rien. Mais c’est vrai que ça parait impressionnant parce que quand on roule assez vite, ça fait des gros chocs, mais nous on n’a pas de coups, on ne se fait pas mal sur ces chocs.
Justement, comment ça se passe quand on veut pratiquer le handibasket, notamment pour les fauteuils ?
Nous, c’est le club qui fournit les fauteuils pour les nouveaux arrivants, parce que ce sont des fauteuils qui coûtent assez chers. Par exemple, les premiers prix, les bas de gamme ça va être dans les 3000 €. Les hauts de gamme, ça peut monter dans les 6000 ou 7000. Donc c’est un coût assez important, et pour un nouvel arrivant on ne peut pas lui dire d’aller acheter un fauteuil pour venir pratiquer. Donc souvent le club a des fauteuils en stock et fournit des fauteuils aux nouveaux arrivants adaptés à leur taille, leur handicap, leur morphologie, etc. Généralement, le club fait faire un ou deux fauteuils par an selon les besoins des joueurs, selon l’usure des fauteuils aussi, parce que les fauteuils s’usent au fur et à mesure.
J’ai vu qu’il y avait une catégorisation selon le handicap et qu’il y avait des quotas selon les catégories dans les équipes. Vous pouvez nous expliquer ?
C’est comme en valides, il y a 5 joueurs sur le terrain. Et ensuite, chaque joueur a une classification. Les classifications vont de 1 à 5 points. 1 point, ce sont les personnes qui sont souvent les plus handicapées. Et après, les points montent selon le handicap. Les valides ont le droit de jouer mais ils sont comptés comme 5 points. Avec toutes ces classifications, une équipe ne doit pas dépasser les 15 points sur le terrain. Ce qui veut dire qu’on ne peut pas mettre que des handicaps légers sur le terrain.
L’entraîneur doit donc lui aussi composer avec cette contrainte ?
Oui bien sûr, il y a des joueurs qui ne peuvent pas se retrouver en même temps sur le terrain car ils cumulent trop de points. Si cette règle des 15 points n’est pas respectée, l’équipe qui commet l’erreur prend une faute technique, c’est-à-dire deux lancers pour l’adversaire ainsi que la possession du ballon et évidemment on doit faire en sorte de changer les joueurs pour ne pas dépasser 15 points. Il n’y a pas de rappel à l’ordre, c’est une faute comme une autre.
Est-ce qu’il y a autant de discussions ou de contestations auprès des arbitres que chez les valides ?
En fait, ça dépend, c’est comme en valides. Ça dépend des arbitres, des joueurs, de la situation. Forcément, quand il y a un match serré, les décisions des arbitres vont être plus contestées. Mais ce n’est pas plus ou pas moins qu’en valides, au final.
Le handibasket est mixte, quelles différences sont faites entre filles et garçons ?
Nous, c’est exactement les mêmes règles pour tout le monde. Après, les filles ont une réduction des points de catégorie par rapport à ce que je vous expliquais avant. C’est-à-dire que chaque fille voit ses points réduits de 1,5. Par exemple, une fille comptée à 4 points, quand elle va rentrer sur le terrain, elle ne sera comptée que 2,5.
En fait, si on fait abstraction du handicap, il n’y a pas de grosses différences entre le handibasket et le basket valide ?
Il n’y pas de profonde différence entre le basket valide et le handibasket. Par exemple, les fautes sont les mêmes, la seule chose qui change c’est pour la reprise de dribbles. Il n’y a pas de reprises de dribbles en handi. Mais sinon les règles sont sensiblement les mêmes. Par exemple, la règle du marcher existe en handi, on a le droit à deux pousser avec notre fauteuil sans dribbler. Toutes les autres choses sont semblables, les fautes sur tir, les écrans mobiles, etc. Même les dimensions du terrain et la hauteur du panier sont les mêmes.
Entraîner permet de transmettre ce que t’as appris, ce que tu as vécu (…). C’est important.
Vous vous voyez entraîner une équipe par la suite ?
Là, je joue encore, mais après, plus tard, oui. Là, je ne coache pas mais j’aide un peu l’entraineur pour tout ce qui est préparation des entraînements. Mais c’est clair qu’après, quand je ne jouerais plus, je pense que coacher une équipe ça me plairait bien. Entraîner, ça te permet de transmettre ce que tu as appris, ce que tu as vécu et apprendre tout ça aux nouveaux joueurs ou aux jeunes, c’est toujours important. Je pense que je coacherai quand je ne jouerai plus, oui.
Vous parlez de transmission : que diriez-vous à un jeune en situation de handicap pour lui donner envie de se mettre au handibasket ou au sport en général ?
Si on a envie de faire un sport, on ne doit pas se mettre de barrières. On doit essayer ce sport et on voit si on arrive à prendre du plaisir. Il y a des adaptations à faire selon le handicap mais on ne doit pas se dire qu’on ne va pas y arriver, ou qu’on va être jugé. On doit y aller et y prendre du plaisir.
Que vous a apporté la pratique du handibasket ?
Ça permet de faire autre chose, tu rencontres d’autres personnes, tu discutes avec elles. Ça te permet de te défouler, de te dépenser et de penser à autre chose. Ça apporte beaucoup aussi sur le côté physique. Tu bouges, tu fais du sport donc tu développes tes muscles et dans la vie de tous les jours, tu vois la différence. Quand tu te déplaces en fauteuil ou quand tu dois faire des transferts, le fait de faire du sport fait que tu as plus de facilités pour te déplacer.
Deparis Maxime
Crédit photos : Léandre Leber – Gazette Sports