MIXITÉ : Isabelle Jouin, présidente en herbe
Élue l’année dernière à la présidence de la Fédération française de hockey sur gazon, Isabelle Jouin devenait alors la deuxième femme à la tête d’une fédération olympique en France.
Auparavant présidente du club de hockey sur gazon de Carquefou, en Loire-Atlantique, Isabelle Jouin a pris la tête de la Fédération française de hockey sur gazon en 2021. C’est d’abord en tant que parent, accompagnant son fils passionné, qu’elle a mis un pied dans le hockey. Elle est ensuite entrée dans le bénévolat pour être davantage proche de la passion de son enfant : « je ne viens pas du hockey, à l’origine. J’y suis entrée par mon fils qui s’est passionné pour ce sport. Et pour l’accompagner, je suis devenue bénévole tout au long de son ambition sportive » explique-t-elle. Avec 11 000 licenciés dont 28 % de femmes, son envie d’amener davantage de mixité dans le sport s’est donc développée à force de fréquenter le monde du hockey : « notre équipe est en mixité puisqu’au bureau on a trois femmes et quatre hommes. Au niveau du comité directeur, on est 45 % de femmes, donc c’est important pour nous de rester sur cet axe-là ».
Un accès à la présidence qui ne fut pas si simple malgré l’encouragement de son entourage, notamment des hommes du Carquefou Hockey Club. Isabelle Jouin intègre le parcours de formation de dirigeantes de Femix’Sports puis ensuite un groupe de douze femmes de plusieurs fédérations pour essayer d’obtenir un poste de dimension nationale. Bien entourée, elle a donc su convaincre avec son projet, puisqu’elle a été élue avec 65,4 % des suffrages le 16 janvier 2021. Aujourd’hui, alors que seulement trois femmes occupent la présidence d’une fédération olympique, Isabelle Jouin affirme que, pour une femme, accéder à des responsabilités dans le sport reste un parcours du combattant, malgré une lente évolution : « c’est vrai que c’est peu seulement trois femmes.. C’est difficile d’y arriver car le monde sportif est un écosystème, de manière historique et culturelle, porté par les hommes. Cela a bien fonctionné mais aujourd’hui il y a une envie de plus de mixité. Ce monde a besoin de laisser la place à des diversités de points de vue, de la complémentarité et surtout de la confrontation à de nouvelles idées. Et je porte cela ».
Objectif : mixité pour le sport
Paradoxalement, toutefois, la non-mixité des épreuves sportives apparaît comme la meilleure solution pour que les femmes puissent se faire une place sur les podiums. « C’est toujours compliqué d’entre dans un monde d’hommes. Pour nous le hockey féminin c’est vraiment une façon de développer cette pratique féminine. C’est aussi un moyen pour les jeunes filles de s’émanciper, de rencontrer de nouvelles équipes, de nouvelles coéquipières. C’est pour elles le moyen de partager une aventure humaine. On veut pousser toute cette pression sociale à travers le sport« .
« Au niveau de la pratique féminine, on n’est qu’aux alentours de 28%, donc on espère atteindre les 32%, c’est notre objectif-cible idéal pour 2024″ .
L’objectif d’Isabelle Jouin pour la Fédération française de hockey sur gazon est donc d’améliorer ce principe de mixité et d’amener plus de femmes, autant dans la pratique du sport que dans son encadrement : « on a un projet qui s’appelle Réussir avec nos Clubs. Et on a été chercher des dirigeants et dirigeantes qui voulaient bien porter ce projet avec nous dans plusieurs clubs. On a vraiment créé une équipe avec cette notion de mixité. Sachant qu’aujourd’hui dans le hockey sur gazon, au niveau français, pour la pratique féminine, on n’est qu’aux alentours de 28% de pratiquantes donc on espère atteindre les 32%. C’est notre objectif-cible idéal pour 2024 » .
Le monde sportif étant toujours très masculin, que ce soit chez les cadres techniques, ou dans la pratique en elle-même, il y a donc des efforts à faire pour féminiser les encadrants des équipes nationales : « nous, dans notre équipe de cadres techniques, il y a beaucoup d’hommes… On n’a que deux femmes : une entraîneuse et une cadre technique. On veut vraiment pousser ça, car c’est elles qui vont porter le haut niveau et vont être auprès de ces jeunes filles dans les équipes nationales. C’est important qu’elles aient aussi des modèles féminins, dans ces métiers. » Dans une équipe nationale, devenir préparateur sportif ou faire de la préparation mentale peut ouvrir des portes aux femmes. C’est aussi ça la mixité, pour elle : proposer de « nouveaux métiers dans lesquels les femmes seront des modèles. »
Aider les femmes à s’imposer
Ce qui a été le plus dur pour Isabelle Jouin a été d’imposer sa voix dans un monde d’hommes. « Le plus difficile pour nous, c’est la prise de parole lors d’un regroupement, détaille-t-elle. Quand c’est organisé dans une réunion, on va vous demander de préparer quelque chose, de faire une présentation. Mais lors d’une réunion avec une prise de parole spontanée, c’est beaucoup plus compliqué. » Il faut avoir les réflexes de caler des rituels de respect des temps de parole « car sinon plein de femmes ne s’imposeront pas car elles sont timides ou un peu plus réservées. C’est assez symptomatique et on peut aussi le vivre dans le monde de l’entreprise « .
L’ambition d’Isabelle Jouin est donc d’aider les femmes à imposer les idées qu’elles portent et aussi à s’adapter aux caractères de chacune. « Certaines ont envie d’oser ou de s’imposer, mais si on ne pousse pas à la parité, c’est difficile. Il y a des modèles dans des fédérations qui sont tout de même plus en avance que dans le hockey sur gazon. J’admire Marie-Françoise Potereau qui elle, porte la mixité à Paris 2024. La présidente de la Fédération française de hockey sur gazon ajoute « que dans le sport, imposer la parité c’est important, car sans ça, dans 150 ans, on y est encore… C’est un curseur qui va pouvoir accélérer le changement et surtout enclencher toute une partie : formation des femmes ».
Apprendre le respect dès le plus jeune âge
De nos jours, en schématisant, les sports sont encore souvent partagés en deux : aux filles, la danse, la gymnastique et l’équitation et aux garçons les sports collectifs, de combat ou d’endurance. Aujourd’hui, les représentations stéréotypées sont toujours aussi présentes. Ces pratiques sont ancrées socialement et freinent le développement de la mixité. Le principe de mixité dans le sport et de pouvoir pratiquer le sport que l’on veut devrait pouvoir s’apprendre dès le plus jeune âge. Les jeunes garçons doivent aussi savoir qu’avoir des faiblesses et des sentiments n’est pas réservé aux filles : « il y a une éducation des garçons à faire par rapport à l’image qu’ils ont de la masculinité surtout dans le sport… Car dans le sport on les pousse. On leur dit qu’il ne faut pas se plaindre, qu’il ne faut pas pleurer car un garçon… ça ne pleure pas. Alors que les garçons ont évidemment des émotions comme les femmes. Ils ont le droit de les faire savoir. Il y a tout un tas de stéréotypes qui existent depuis qu’ils sont petits ».
« Le changement de génération et donc de mentalité va entraîner de nouvelle chose ».
Isabelle Jouin
Isabelle Jouin a tout de même l’espoir que la vision de la femme change à l’avenir grâce à la nouvelle génération : « l’éducation et le changement de génération et donc de mentalité va entraîner de nouvelles choses. Les jeunes veulent une nouvelle façon de vivre ensemble, avec plus de tolérance » conclut-elle.
Julie Michel
Propos recueillis par Léandre Leber
Crédit photo : Kevin Devigne Gazettesports.fr
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