SPORT HANDICAP – PARATENNIS : Bérénice Mathot à l’aise dans son environnement
Amputée d’une jambe en 2016, Bérénice Mathot, 18 ans, a pris goût au tennis fauteuil à Amiens, où elle est étudiante en Prépa Biologie. Avant une carrière qu’elle imagine à la fois en lien avec l’environnement et sur les courts.
« Bérénice a son caractère, confie Mousse Onifade, son entraîneur. Ses parents me l’ont confirmé, des élèves que j’entraîne, à Salouël et qui la connaissent m’ont dit qu’en classe, c’était pareil. Elle est perfectionniste. » Ce que Bérénice Mathot confirme sans peine : « quand je n’arrive pas à faire quelque chose, j’ai tendance à m’énerver. Mousse le sait, ce n’est pas contre les autres, c’est contre moi. Mais j’ai quand même fait des progrès par rapport à ça. C’est un peu frustrant de faire des choses et de ne pas réussir” dit-elle avec une sincérité désarmante.
Le mois dernier, à l’occasion de l’Open Cellenza de paratennis, à l’AAC, la jeune fille originaire de la Thiérache (Aisne) a joliment renoué avec la compétition en remportant le tournoi « balles vertes », décrochant trois victoires en autant de matchs. La preuve qu’elle se sent à nouveau bien dans son tennis. Au prix de plusieurs ajustements que Bérénice Mathot a pris le temps d’expliquer à Gazette Sports Le Mag, en compagnie de son coach.
« En ce moment, je prends beaucoup de plaisir à jouer, plus ça va, plus j’en ressens. C’est vrai que j’ai connu une période où j’appréciais un peu moins, parce que je ne faisais que perdre et ça m’avait un peu démoralisée. Mais la crise du Covid m’a permis de faire une pause et quand j’ai repris, petit à petit, j’ai retrouvé le plaisir de jouer. En plus, le mois dernier, le tournoi (NDLR : une compétition mixte, dans le cadre du 1er Open Cellenza, réservé à celles et ceux débutant ou reprenant la compétition) m’a vraiment boosté parce que je me suis rendue compte que j’étais capable de faire de belles choses ! Je ne me suis pas énervée, alors qu’avant, surtout quand je jouais contre des plus forts, ça m’arrivait… »
Ses dernières victoires encourageantes, sa nouvelle sérénité, surtout, ne surprennent pas Mousse Onifade : « C’est le fruit de ses progrès, notamment au service. Avant, elle faisait beaucoup de doubles fautes, maintenant beaucoup moins et ce qui m’a fait le plus plaisir, c’est qu’elle est restée calme. Elle n’a pas cherché à frapper fort ses premières balles, elle a assuré ses services et ça a été suffisant pour gagner ses trois matchs, y compris le dernier, annoncé comme le plus compliqué, contre un homme, en deux sets 6-3 6-2. On était contents, Bérénice la première« , sourit l’entraîneur qui, ces derniers mois, a « remarqué beaucoup de progrès rapides. »
Retour en arrière
2016 : Bérénice Mathot a 13 ans, elle fait du judo, passant d’un club à l’autre, dans son Aisne natale : « j’habitais à Monceau-le-Neuf-et-Faucouzy, j’allais au collège à Sains-Richaumont et j’ai fait neuf ans de judo, à Laon, à Crécy-sur-Serre et à Crépy-en-Laonnois. Le tennis, je l’ai découvert peu après mon amputation de la jambe droite (NDLR : suite à une intervention chirurgicale pour une tumeur cancéreuse à la cuisse qui s’était mal passée). J’étais au CHU d’Amiens et ils organisaient des activités sportives adaptées. C’est là que j’ai rencontré Marine (NDLR : Marine Mas, prof de tennis et de tennis fauteuil à l’AAC). C’est comme ça que j’ai commencé. Elle m’a proposé de continuer, mais je n’avais pas trop le temps avec la kiné en plus des cours. Et j’en avais loupés pas mal. J’ai fait du tir à la carabine aussi, pendant un an. Mais j’ai repris le tennis fauteuil l’année d’après. A 15 ans, je me suis inscrite en section sportive pour avoir un emploi du temps aménagé, j’étais interne. »
Quatre ans plus tard, pratiquement – elle aura 19 ans en juillet -, Bérénice Mathot poursuit sa mue. « J’ai hâte d’aller à l’entraînement le lundi, je prends vraiment beaucoup de plaisir à progresser ! » Suivant les conseils de son entraîneur, elle a récemment changé sa façon de jouer côté revers, en optant pour le revers inversé, adopté par de nombreux joueuses et joueurs en fauteuil. « Ce revers inversé, elle ne voulait pas le faire au début, se souvient Mousse Onifade. Il se joue avec la paume de la main presque derrière le manche de la raquette. Marine et moi, on l’a persuadée de changer et elle l’a adopté après un rassemblement national à Paris. Le responsable fédéral m’a appelé, on en a parlé et il a fini de la convaincre et, depuis, elle fait de merveilleuses frappes avec, même de dos ! Pour le service, c’est pareil. Elle l’a changé après un stage et après avoir regardé des vidéos.”
“Au début, j’étais un peu réticente, reconnaît Bérénice. Je n’appréciais pas forcément ce geste, j’avais trouvé un mix entre le revers inversé et le revers classique et je me débrouillais bien avec, alors je ne voyais pas trop pourquoi changer. Mais c’est vrai qu’après avoir fait des stages et en avoir parlé avec Mousse et Marine, j’ai commencé à le faire. Et c’est quand même beaucoup plus pratique et bien mieux pour jouer.”
Ses ambitions
“J’aimerais bien refaire des tournois rapidement, mais avec mes concours blancs en ce moment, c’est compliqué. Je me focalise sur ma Prépa, c’est important. Il y a beaucoup de maths et j’avoue, ce n’est pas ma matière préférée. Au départ, je voulais faire vétérinaire mais je me rends compte que ça ne me plait pas vraiment, donc je pense plus partir vers une école d’ingénieurs, pour travailler dans la protection de l’environnement. Ou bien devenir ingénieure forestière ou horticole, car les plantes m’intéressent pas mal aussi.
J’aimerais me sentir utile à la protection de l’environnement
Cet été, j’aimerais bien faire des stages et des tournois, j’aurai le temps. Après, l’année prochaine, ça risque d’être compliqué car j’aurai les concours pour les écoles que je veux faire. Donc je ne pourrai sûrement pas en faire autant que je voudrais. Mais je pense que quand j’aurai fini la Prépa et que je serai en école, je pourrai vraiment en faire beaucoup plus. Faire des tournois de temps en temps me permet de penser à autre chose qu’aux études, de me détendre un peu.
Ici à Amiens il y a quelques années, lors de l’Open des Hauts-de-France, j’ai eu la chance d’approcher les stars du tennis fauteuil, comme Shingo Kunieda et Stéphane Houdet. Avoir leur niveau, ce serait incroyable ! J’avais même pu faire un entraînement avec Stéphane Houdet, qui a gagné Roland-Garros (NDLR : deux fois en simple, sept fois en double). Il est Français, ça me fait rêver. Mais en vivre, je ne sais pas… Je pense que j’aimerais bien trouver un mix entre mon futur travail et le tennis. Parce que tout ce qui concerne la protection de l’environnement me touche énormément. J‘aimerais me sentir utile dans ce domaine, en faire mon métier…”
Avec donc en tête les préoccupations de sa génération, Bérénice Mathot, que son coach qualifie de « volontaire et déterminée », veut continuer de s’améliorer comme joueuse et comme être humain, en agissant pour rendre notre planète plus vivable…
Vincent Delorme
Crédit photos : Kevin Devigne et Vincent Delorme (Gazettesports.fr)
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