SPORT HANDICAP : Objectif Paris 2024 pour Kevin De Witasse Thézy
À 23 ans, le Samarien Kevin de Witasse Thézy est un jeune athlète handisport surprenant, qui vient d’obtenir sa classification internationale. De quoi lui permettre de viser les Jeux Paralympiques de Paris 2024.
Depuis combien de temps faites-vous de l’athlétisme ?
Je cours depuis 2019. J’ai commencé quand j’étais en première année de licence de STAPS. On avait eu un cours sur les technologies et les aspects des règles du sport en athlétisme. À un moment donné, le professeur avait parlé des compétitions dont celles en handisport. Il nous avait expliqué que vu qu’il y a beaucoup de handicaps différents, ils prenaient tout le monde. Et qu’en handisport on pouvait plus facilement atteindre les championnats de France. Je me suis donc dit pourquoi pas essayer. Je me suis donc lancé le défi et ça m’a tout de suite plu.
Quelle influence a votre handicap, d’un point de vue technique ?
Je suis né sans la main gauche. Depuis tout petit, je suis habitué à vivre pas mal de choses, à m’adapter au quotidien (NDLR : Kevin a expliqué récemment son quotidien à des écoliers samariens qui ont rédigé un article). En athlétisme, il y a une différence entre les saisons. En saison hivernale, on a la piste dénivelée, moi je suis un peu plus penché d’un côté que de l’autre. Donc en saison estivale, je suis penché plus à droite qu’à gauche.
Je fais donc un gros travail de gainage pour compenser le déséquilibre. Mais ça ne se voit qu’au départ, moins en courant.
« Je vais pouvoir faire des compétitions internationales »
Quels ont été vos résultats depuis le début de la saison ?
Ça a été une année compliquée, mine de rien, niveau résultats. Cet hiver, je n’ai pas couru du tout car j’ai eu beaucoup de blessures : une entorse, une rupture partielle des ligaments. Je me suis également fait une frayeur aux ischios, puis j’ai eu des périostites et des tendinites. Pendant tout l’hiver, environ trois ou quatre mois, je suis resté à l’entraînement et j’ai eu beaucoup de soins. Je n’ai repris les compétitions réellement que pour la saison estivale, pour les premiers tours des Interclubs avec l’AUC à Tourcoing. J’ai repris le 400 mètres, mais ce n’est pas facile de retrouver ses repères. J’ai mis du temps à retrouver aussi mes chronos.
Pour le côté positif de la saison, j’ai obtenu ma classification internationale il y a peu de temps. Avec le Covid, j’aurais dû l’avoir avant mais tout a été décalé. Du coup, elle a enfin été validée, de justesse. C’est réellement un soulagement car je vais pouvoir faire des compétitions internationales et penser à mon avenir sportif. Cette année, j’ai aussi maintenu mon titre de champion de France au 400 m et de vice-champion sur 200 m.
Qu’avez-vous ressenti en obtenant cette validation, qui est une reconnaissance de votre handicap ?
J’ai vraiment ressenti un réel soulagement, car mine de rien, sans ça, on ne peut plus courir au niveau international. Sans cette visite médicale, le rêve que l’on a, l’objectif que l’on se fixe, peuvent très vite s’éloigner. Je suis super content que mon statut soit validé, ça permet à mes chronos d’être diffusés à l’international et d’être sur la ranking list.
Quels sont du coup vos nouveaux objectifs ?
Pour la saison prochaine, j’aimerais forcément faire de meilleures performances. Gagner les championnats de France en salle et en extérieur, en y faisant le maximum de records personnels. Et enfin, j’aimerais pouvoir me qualifier pour les championnats du monde.
Avez-vous des compétitions internationales prévues ?
Là, la saison est terminée. En France, cette année, il n’y avait pas trop de rencontres handisport, pas trop de grosses compétitions, sauf l’Open Handisport de Paris. J’ai fini en finale B, où je termine troisième, avec mon record personnel et je me suis classé au 8ème rang mondial. L’année prochaine, il y aura les championnats du monde et ils prennent les douze premiers de la ranking list. Et pour les Jeux Paralympiques, les huit premiers. Donc je vais continuer de travailler pour pouvoir me qualifier.
Comment arrivez-vous à concilier études et sport ?
Je vous avoue que c’est quand même assez compliqué, entre mon Master, les cours, les rendez-vous soins, le stage car on avait un stage à faire et je l’ai fait au centre de formation de l’ASC, plus le fait que je sois éducateur de football à St Fuscien, ça fait un grand planning ! Pour gérer ce gros emploi du temps, il faut être bien organisé et ne pas trop se disperser. C’est malheureusement ce que j’ai fait cet hiver. Donc il faut rester concentré sur ses objectifs. L’année prochaine j’espère être le mieux organisé possible.
« Mon handicap (…) ne va pas évoluer avec le temps »
Quels sont vos objectifs professionnels et sportifs ?
Mon objectif professionnel serait de devenir préparateur athlétique. Mais en ce moment, c’est assez compliqué car si je veux intégrer un centre pro, il faut soit être pistonné, soit avoir de l’expérience. Forcément, ça demande du temps, mais je ne pense pas forcément l’avoir. C’est donc pas simple du tout, je verrai ça plus tard...
Comment comptez-vous vous qualifier pour les Jeux Paralympiques ?
Il va falloir bien s’entraîner et surtout ne pas se blesser. J’aurai donc un bon suivi médical. Et le point essentiel, c’est de toujours prendre du plaisir et de vivre à fond sa passion. Après, si je ne suis pas qualifié pour Paris 2024, je tenterais les autres olympiades et ainsi de suite. Aller aux Jeux, c’est le Graal du Graal, donc je vais travailler pour atteindre mon rêve.
Comment faire pour se qualifier ?
Normalement, Il faut d’abord réussir correctement la visite médicale. Moi, mon handicap est congénital, donc il ne va pas évoluer avec le temps. Vu qu’il a été validé, je n’aurai pas besoin de refaire une visite médicale. Là, je peux donc faire des compétitions sur 100 m, 200 m et 400 m.
« Le sport peut enlever cette peur du regard des gens »
Avant, vous faisiez du football : pourquoi avoir changé de sport ?
C’est une très bonne question… Je cherche encore la réponse. En fait, disons que j’adore me fixer des challenges, des défis et l’athlétisme me correspond bien. C’est un sport individuel mais collectif en même temps, car derrière nous, on a tout un groupe, un club, un suivi médical et surtout un entraîneur. On se soutient tous, donc on voit à quel point le collectif est important.
Que diriez-vous à un jeune, ayant un handicap, qui hésite à faire du sport ?
Je lui dirais qu’il ne faut pas qu’il hésite et qu’il se fasse plaisir. Le sport apporte énormément de lien social, tout ce qui est au niveau du partage, des valeurs et de la transmission entre athlètes. Et bien sûr la relation athlète – entraîneurs. Je pense aussi que le sport peut enlever cette peur du regard des gens. La société évolue, ce n’est pas parce qu’on a un handicap qu’on ne fera rien de sa vie. Il faut vraiment aller de l’avant !
Propos recueillis par Julie Michel
Crédit photos : DR